Alicia, atteinte d'endométriose témoigne

Quand tout le monde nous fait douter de nos douleurs [témoignage d’Alicia]

Alicia nous raconte à travers son témoignage le long chemin vers son diagnostic de l’endométriose. Des années de souffrance jusqu’à trouver (enfin) une solution qui lui convient pour cohabiter avec cette maladie. Je vous laisse avec ses mots. ⬇️

Les règles, une vraie plaie !

Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours eu très mal pendant mes règles. On m’a prescrit tout un tas de médicaments classiques, pour la dysménorrhée ou non, à base de paracétamol ou d’ibuprofène assez tôt, et une pilule pour essayer de calmer mes cycles et les douleurs qui les accompagnaient. J’ai fini par changer de pilule pour en trouver une plus efficace, mais qui m’a causé de très fortes migraines pendant plusieurs années.

Mes cycles étaient un peu plus réguliers, mes règles un chouïa moins douloureuses, mais toujours autant abondantes et hémorragiques. Je me souviens de mon père qui devait me ramener un nouveau pantalon pendant la pause du midi à l’école. C’était seulement quand je ne devais pas louper les cours à cause des douleurs et de tout ce qui allait avec (diarrhées, vomissements, fatigue, etc).

Je devais dormir avec des serviettes de toilette sous mes fesses pour éviter de tacher les draps et même comme ça, et avec une protection bien épaisse, ça passait au travers. Parfois même, je devais porter des couches. J’avais opté pour une alèse sous les draps pour éviter de tacher le matelas même. Je changeais je ne sais combien de fois de serviette hygiénique par jour. Je faisais des malaises. J’avais l’impression d’avoir la grippe à chaque cycle. Les gros caillots, les odeurs étranges, les règles et pertes couleur rouge, noire ou marron…

Je passais mon temps sur les toilettes et je ne tenais plus sur mes jambes. J’étais pliée plusieurs jours par mois, pendant et parfois aussi en dehors des règles. J’avais des douleurs pelviennes, digestives, lombaires, vésicales, ovariennes, utérines, rectales… J’avais l’impression qu’on me broyait les « reins », qu’on m’arrachait les organes de l’intérieur et qu’ils allaient finir par se décrocher et tomber. Je sentais littéralement le tissu se déchirer dans mon utérus. J’avais l’impression qu’on m’avait roué de coups en bas, comme des bleus sur les lèvres et à l’intérieur. Je croyais mourir. Je commençais à me questionner. J’ai débuté les examens en 2017, mais on tâtonnait, on ne trouvait pas, les examens étaient normaux.

Des douleurs handicapantes et beaucoup de questions sans réponse

À cause des effets secondaires intenses de ma deuxième pilule, j’ai fini par décider de faire une pause. Miracle : je n’avais plus de migraines !!! Mais je me souviens encore précisément du moment où je me suis dit qu’il y avait réellement un problème et que ce n’était pas normal : c’était en juin 2019. Les premières vraies règles bien douloureuses sans aucune hormone depuis l’arrêt. Me voilà recroquevillée sur le sol en carrelage froid des toilettes du rez-de-chaussée, à attendre qu’une nouvelle vague de douleurs, de vomissements et de diarrhées me frappe. Je me vidais par le bas sur les toilettes, et je vomissais dans le très petit lavabo des toilettes. J’étais terrassée. J’ai décidé d’envoyer un mail à une association, désespérée, le 10 juin à plus de minuit passé, dans lequel je note :

« Il est actuellement 0h43 et je vous écris puisque je me renseigne sur cette maladie qui m’a notamment invalidée toute la journée. Je suis prise de douleurs qui peuvent paraître bénignes, mais accompagnées de nausées, de spasmes, d’une grande fatigue et d’une grande faiblesse. Je commence à me demander s’il ne pourrait pas s’agir de l’endométriose. J’ai toujours été sujette à des douleurs pendant mes règles. Mais le fait est que j’ai 22 ans, la prise de pilule m’avait énormément aidé puisque je l’avais commencé pour cette raison. Mais pour des raisons médicales, j’ai dû l’arrêter. Et j’ai du mal à concevoir la reprendre puisque je me sens bien sans [note : sans migraines]. Mais je passe les trois premiers jours de mes règles pliée, spasmes, douleurs dans le bas ventre, nausées et/ou vomissements, diarrhées dans les pires moments. Je me suis dit que c’était peut-être normal. Je vais devoir m’habituer, j’ai encore 40 ans à vivre comme ça. Mais j’ai du mal… je me pose beaucoup de questions ».

Un passage aux urgences et toujours pas plus de réponses

Je me sentais tellement perdue. Les douleurs devenaient de plus en plus atroces ; à tel point que je me suis retrouvée aux urgences en juillet 2019. Mes règles sont arrivées à 9 heures du matin. À 11 heures, j’étais déjà en pleurs en salle d’auscultation des urgences, à saigner partout à flot et à m’entendre dire par un gynécologue bourrin que c’était normal que je souffre vu que je suis une femme. C’est là qu’on se dit qu’on vit vraiment dans un pays qui se contrefout des douleurs des femmes.

Le mariage de mes cousins en août 2019 était un moment que je voulais vivre à fond. Et quand on me voyait, on pouvait se dire que j’avais l’air bien, que je n’étais pas malade, que je n’étais pas en fait en train de souffrir le martyre, vu que je souriais et que j’étais apprêtée. Et pourtant, quand on me connaît bien, on sait très bien que lors d’événements pareils, je suis sur la piste de danse toute la nuit, à essayer de profiter au maximum.

Mais ce soir-là, je n’ai pas bougé de ma chaise, si ce n’est pour aller aux toilettes de la salle des fêtes. Je me souviens bien que j’arrivais à la fin de mes règles, car mettre et enlever le tampon me faisait un mal de chien (je n’avais pas l’habitude d’en mettre, mais vu que j’avais une belle robe blanche…). Quelle erreur avec le recul. Les douleurs me terrassaient, même en fin de règles. J’essayais de les faire taire à coup de Spasfon et de Doliprane, le petit mélange classique, et j’y ajoutais aussi de l’ibuprofène. Je ne respectais pas le temps d’attente entre deux prises, tellement j’avais mal. Mais rien n’y faisait.

endométriose Alicia
Photo prise au mariage de mes cousins - 2019

Quand personne ne veut t'aider à répondre à tes questions

Plus les mois passaient, pire c’était. Je questionnais beaucoup une amie qui a de l’endométriose et qui en souffrait beaucoup à ce moment-là. Le tableau commençait à se dessiner. J’ai donc décidé de m’inscrire quelques mois après à la permanence de l’association à l’hôpital de ma ville, avec cette amie. J’ai posé mes questions. J’avançais doucement. J’ai enchaîné plusieurs gynécologues, aussi bien hommes que femmes, à cette même période. On me disait que de toute façon, que ce soit ça ou pas, on traite la douleur et pas la maladie ; que le traitement, c’est la pilule en continu ; que ça ne sert à rien de vouloir à tout prix des réponses si ça ne change rien niveau traitement. On m’a aussi envoyée voir un gastro-entérologue, car on m’a dit que mes douleurs pouvaient aussi venir de la sphère gastro-intestinale. J’ai dû passer coloscopie et fibroscopie, avec un diagnostic de colopathie fonctionnelle à la clé. J’ai passé une première IRM pelvienne classique en septembre 2019 qui montrait quelques anomalies, mais pas de traces d’endométriose.

Mon monde s’écroulait. Pourquoi j’avais si mal alors ? On me disait d’arrêter de chercher la petite bête, de vouloir à tout prix être malade, d’être hypocondriaque. Mais je savais que quelque chose n’allait pas.

Puis un jour, un peu de lumière au bout du tunnel

Une gynécologue me dit alors qu’on allait traiter comme s’il y en avait, donc arrêter les règles. Elle m’a prescrit une pilule en continu qui m’a donné des effets secondaires assez… intenses. Dépression, pensées suicidaires… Je l’arrête au bout de quelques semaines et je change une énième fois de gynécologue, en pensant tomber sur la bonne, début 2020.

Elle me change de pilule et fait passer mon dossier en RCP (Réunion de Concertation Pluridisciplinaire) : pour eux, il existait un petit doute sur un accolement entre un ligament utéro-sacré et le rectum, qui justifiait de continuer le traitement par contraception, et si les douleurs persistaient, on discuterait d’une cœlioscopie. Je me sentais enfin écoutée et entendue. Mais le temps est passé.

Je suis tombée sévèrement malade entre deux et je n’ai repris le « suivi » qu’en 2021, mais ma gynécologue a considéré que j’étais encore trop malade pour être opérée. Pour ce rendez-vous, j’avais demandé une ordonnance pour une IRM à mon médecin traitant pour avoir des images récentes. Conclusion : discret épaississement des ligaments utéro-sacrés potentiellement compatible avec une endométriose.

On commençait enfin à voir des choses, mais le « potentiellement » me faisait encore douter. Et pourtant, les douleurs étaient bien présentes. Mais encore à cette époque, on me disait que ce n’était pas ça, que je n’avais qu’à me taire parce que comparativement à des femmes qui en souffrent vraiment, je n’avais rien à dire. Et puis après tout, « 90 % des femmes souffrent pendant leurs règles, mais heureusement qu’elles n’ont pas toutes l’endométriose », qu’on avait aussi osé me dire. Je finissais par baisser les bras en me disant que je n’aurai jamais de réponses.

Un diagnostic, enfin !

Ce n’est qu’en 2022 qu’une amie, qui suivait mon combat et entendait mes plaintes, m’a parlé du site Deuxième Avis. Elle m’a bien redit que si les images ne montraient pas grand-chose, c’est que les radiologues n’étaient pas spécialisés. J’envoie alors mon IRM de 2019 à une radiologue spécialisée : pour elle, le tableau et les images étaient en faveur d’une endométriose profonde postérieure limitée au ligament utéro-sacré droit.

Elle m’a demandé de repasser une IRM avec un protocole adapté – ce qui ne se fait pas là où j’habite. J’ai donc repassé une IRM classique en 2022 et j’en profite pour récupérer le CD de mon IRM de 2021 (j’étais hospitalisée à cette époque, donc je n’avais pas pu récupérer le CD et les résultats). Je lui envoie le tout. Même conclusion qu’en 2019, avec quelques adhérences digestives en plus. Mais je sens que le diagnostic n’est qu’à moitié posé. Il s’affine, mais je veux être sûre à 100 %. Une autre radiologue spécialisée du privé a relu mes images et a tiré la même conclusion : il existe toujours cet accolement, et ces adhérences digestives, mais pour être certains, il faudrait opérer.

J’en ai assez : je décide de demander l’avis du Dr Petit, spécialiste français de l’endométriose, sur cette même plateforme. J’attends qu’une plage se libère avec lui, je patiente car je sais à quel point il est demandé, de part son professionnalisme et sa justesse dans les diagnostics. Le 6 novembre 2022, plus de 5 ans après le début des investigations et tellement plus d’années après le début de mes interrogations, j’ai enfin la confirmation tant attendue que je suis bien malade : endométriose pelvienne profonde sous péritonéale aux deux ligaments utéro-sacrés et au torus, endométriose péritonéale superficielle, adénomyose utérine superficielle, reflux tubaire en lien avec un épanchement au niveau du cul-de-sac de Douglas. Voilà. C’était ça. Depuis le début.

L'ego des médecins, une cause de retard diagnostic pour l'endométriose ?

Maintenant, je sais ce que j’ai. Il n’y a pas de raison qu’on ne me croit toujours pas. Si ? Et pourtant… J’ai revu ma gynécologue pour la dernière fois en avril 2023. Son orgueil a pris le dessus et malheureusement, elle n’a pas voulu admettre que je suis bel et bien malade, car les images ont été relues par un autre radiologue que ceux qu’on a par chez moi et qu’après tout, « le Dr Petit n’est pas meilleur que les autres ». Elle était même assez choquée que j’ai pu faire relire mes images par quelqu’un d’autre. Elle continuait de parler de suspicion d’endométriose. Je me retrouve alors à parler de l’importance d’un diagnostic et d’un suivi d’endométriose, alors que moi-même, je ne suis plus suivie depuis plus d’un an.

Je me demande à quoi aurait ressemblé ma vie si j’avais su plus tôt que j’étais atteinte d’endométriose. Je n’aurais peut-être pas autant douté de mes douleurs. Je n’aurais peut-être pas laissé les gens me dire que ce que j’avais n’était rien et qu’il fallait que j’arrête de me comparer à des gens vraiment malades. J’aurais peut-être compris que je n’étais pas chochotte ou douillette à avoir de telles douleurs. Comment peut-on dire à une personne en souffrance qu’elle exagère ? Comment peut-on ignorer une douleur si évidente ?

Je ne parle que très peu de l’endométriose, car je ne me sens pas forcément légitime à en parler. Mes douleurs sont « gérées » au mieux grâce à la pilule (je sais que ce n’est pas le traitement idéal et qu’il fait polémique, mais moi, ça me convient), car je n’ai tout simplement plus mes règles. Mais je sais aussi qu’il faut en parler et sensibiliser les gens à l’horreur qu’est cette maladie. Ce n’est pas pour rien qu’elle est classée parmi les pathologies les plus douloureuses du monde.

Le mot de la fin : écoutez votre corps, votre intuition

Au travers de mon récit et de mon parcours, je veux vraiment pousser chaque personne à écouter son corps et son intuition, s’ils leur disent qu’il y a quelque chose qui cloche. Il faut arrêter de se laisser dire par des médecins qu’il n’y a rien car les images ne montrent rien, alors que ça a été plus que prouvé que si c’est la mauvaise personne qui les lit, elle passera forcément à côté du problème (ce n’est pas pour rien qu’il faut une formation spécialisée pour lire les images des personnes atteintes d’endométriose).

J’ai tant espéré arrêter de souffrir. J’ai tant espéré avoir enfin les réponses à mes questions. C’est désormais chose faite. Aujourd’hui, je ne souffre plus en silence et je refuse que l’on dise que cette douleur n’existe pas ou que ce n’est rien. Alors mon message au monde entier reste assez simple, mais c’est simplement de s’écouter et de consulter encore et encore, jusqu’à temps d’avoir des réponses. Avoir mal pendant ses règles, ce n’est pas normal. Ça n’est pas censé faire mal au point que vous sentez votre intérieur se déchirer et se contracter plusieurs jours par mois. Ça n’est pas censé faire mal tout court.

Vos témoignages comptent 💛

Vos témoignages sont importants pour sensibiliser à toutes les différentes formes que peut prendre l’endométriose. Et si le prochain témoignage c'était le vôtre ? Envoyez-moi un message à endome.fr[@]gmail.com ou en mp sur Instagram.

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Clémence

16 ans de retard diagnostic, découverte d'une endométriose sévère, superficielle et profonde et d'adénomyose diffuse à 26 ans. Opérée 6 mois plus tard et 6 mois de ménopause artificielle plus tard, me voilà à partager mes expériences et connaissances pour sensibiliser à cette maladie chronique (de crotte !). Et surtout pour que les autres endogirls aient plus de choix et de possibilités que moi.🎗️

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